Mois #12

Reprise du travail :
Comment trouver ses marques et garder le cap ?

Mois #12

Reprise du travail :
comment trouver ses marques et garder le cap ?

C’est une étape potentiellement délicate de la maternité et de la carrière : la reprise du travail après la naissance d’un bébé peut générer sentiments de déchirement et de réjouissance, être appréhendée comme un véritable bouleversement ou considérée comme une simple formalité… Dans tous les cas, c’est un nouveau rythme à prendre et l’occasion, sans doute, de revoir ses priorités.

Comment se préparer à cette reprise et aux chamboulements qui s’annoncent ? Comment prendre ses marques dans un emploi du temps hyper contraint, et (re)trouver le fameux équilibre entre vie pro et vie perso ? Jenny Chammas est fondatrice du programme de formation et de coaching “Leaders ambitieuses”, qui accompagne les femmes leaders dans leur évolution professionnelle. Elle nous livre de précieux conseils pour vivre aussi sereinement que possible cette période charnière dans la vie d’une femme.

Après 4 mois (ou davantage) d’absence, même si notre situation professionnelle est sereine, le retour en entreprise peut générer une appréhension. Comment aborder ce moment-clé dans la vie d’une femme active et d’une jeune maman ?

Il n’y a pas de règles et chacune fait comme elle le souhaite. Mais si l’on appréhende un peu ce retour, l’idée de reprendre contact avec son environnement un peu en amont peut être une bonne chose. Cela peut être de manière tout à fait informelle avec le reste de l’équipe, en allant boire un café – et sans forcément parler de boulot d’ailleurs.
Si on en ressent le besoin, il me semble important de faire également le point de manière plus formelle avec son manager. Cela peut être l’occasion d’évoquer un éventuel changement de rythme ou l’adaptation des horaires, parfois nécessaire en fonction du mode de garde… Cela permet aussi de se mettre à jour sur les objectifs de l’entreprise à court et à moyen termes.

Si on manque de temps (ou d’envie) pour revoir les gens physiquement avant la rentrée, cette reprise de contact peut simplement se traduire par l’envoi d’un e-mail. Peu importe finalement : l’idée c’est de poser les jalons de cette reprise et éviter un retour brutal.
En principe, l’employeur doit proposer un entretien professionnel au retour de congé maternité mais cela ne se fait pas systématiquement. S’il n’est pas moteur, cela peut être intéressant de l’être : prendre rendez-vous avec son manager pour poser les choses et ses questions permet d’avoir le sentiment d’être aux manettes.
Pour une reprise plus sereine, je conseille aussi, lorsque c’est possible, de débuter le mode de garde quelques jours avant la reprise du travail. D’abord parce qu’il est préférable que l’adaptation soit derrière nous quand on retourne travailler, pour avoir le temps de se faire à la séparation, qui peut être difficile à vivre. Ensuite parce que cela peut permettre à la maman de prendre du temps pour elle : se faire masser, déjeuner avec une amie, faire du shopping… Prendre un peu de temps pour soi, pour souffler, avant cette reprise, me semble important.

Avoir un enfant peut bouleverser beaucoup de choses et notamment nos priorités ou le sens que l’on donne à sa carrière…

En effet ! J’observe souvent, dans mon métier, que les femmes viennent se faire coacher après avoir eu un enfant, qu’il s’agisse du premier ou non d’ailleurs… Après une coupure de boulot avec le congé maternité, et lorsque l’on fait face à de nouveaux enjeux dans la vie et à un bouleversement des priorités, c’est assez logique de se poser des questions sur le sens de notre job, sur nos aspirations professionnelles.
Dans ce moment clef, se faire accompagner est à mon sens très bénéfique. Mais il y a tout un processus que l’on peut faire en amont. L’idée, c’est de se poser avec un cahier, un crayon, et de se demander : « Si je repars en arrière, que je regarde la dernière année travaillée par exemple, quels ont été mes succès, qu’est-ce que j’aimais dans mon boulot avant d’avoir un enfant ? Qu’est-ce qui m’animait au quotidien ? Qu’est-ce que je sais faire ? Quels retours m’a-t-on donné lors des entretiens annuels ou à l’occasion de feedbacks plus informels ? » C’est une manière de faire le point et/ou de se rebooster.

Les jeunes mamans qui occupent un poste à responsabilités, qui ont un job très prenant, peuvent craindre de ne plus être aussi dévouées ou performantes dans leur boulot. Que leur conseillez-vous ?

Je vois effectivement beaucoup de femmes qui aspiraient à monter dans la hiérarchie avant leur grossesse ou leur congé maternité, et qui ont le sentiment qu’elles ne pourront plus assumer ces responsabilités avec un bébé. Dans ce cas encore, un coaching peut être intéressant car c’est l’occasion de retravailler la confiance en soi et la recherche de l’équilibre.
Le bébé qui est né devient une autre priorité, on perd de notre liberté… Il faut passer par un processus d’acceptation de la situation, et cela peut être violent : le sentiment de ne plus pouvoir consacrer autant de temps qu’avant à son travail questionne beaucoup.

Il faut être capable de se détacher des injonctions. Et s’interroger : quelles sont mes priorités ? Qu’est-ce que m’épanouir dans mon rôle de maman signifie pour moi ? Est-ce rentrer tôt le soir, est-ce être là pour donner le bain ? Voir mon enfant une fois par jour me suffit-il si je passe tous mes week-ends avec lui ? Est-ce ok pour moi si la nounou fait de grosses journées ?

Je pense qu’il faut vraiment se poser ces questions régulièrement. Si on l’a fait avant de reprendre le travail et qu’on a un jour le sentiment que les choses vacillent, que l’on commence à culpabiliser par exemple lorsqu’on est pris dans un rythme intense, on peut alors se remémorer ce qu’on s’était dit. Si c’était de rentrer plus tôt deux fois par semaine, on se souviendra qu’il n’est pas utile de se mettre la pression tous les autres soirs pour rentrer de bonne heure…

Si l’on mettait une grosse priorité sur notre carrière, avoir un enfant peut être un chamboulement. On peut craindre de ne pas être aussi performante qu’avant parce que dans notre tête, il y a aussi un bébé. Mais cela repose sur une croyance commune qui n’est pas tout à fait vraie : celle qu’il faut absolument travailler dur, beaucoup et longtemps pour créer des résultats et réussir. Mais ce que l’on constate, c’est que ce qui va déterminer le résultat, c’est notre concentration, notre capacité à prioriser et à ne pas s’éparpiller. Et pour cela les mamans sont souvent très fortes : elles savent qu’elles ont un temps de travail limité et qu’elles devront ensuite enchaîner avec la vie de famille.

Il faut aussi accepter que même si nos journées de travail vont être différentes, qu’on va devoir partir plus tôt ou que l’on va devoir gérer des choses dans la journée qu’on ne gérait pas avant, ça ne veut pas dire qu’on est en échec professionnel. On va devoir gérer les choses différemment et s’il y a bien sûr des manières négatives de le voir, on peut aussi se dire : « Pendant un temps, mon curseur va plutôt être placé sur la maternité que sur le boulot, donc c’est ok si je travaille un peu moins. » On peut se dire aussi : « Je vais juste devenir plus efficace et même si je travaille moins longtemps, cela ne changera rien au résultat. » C’est d’ailleurs souvent ce qui se passe.

Être une jeune maman qui reprend le boulot peut aussi être synonyme de tiraillement, de culpabilité de ne jamais être là où il faudrait. Comment éviter cet écueil ?

C’est fréquent en effet et, pour ce type de situation, mon conseil est double. La première chose à faire, c’est d’identifier le type de culpabilité que l’on ressent. Il y a la culpabilité qui nous fait dire que l’on est en complet décalage avec nos valeurs : dans ce cas, cette culpabilité est utile, et peut-être y a-t-il effectivement quelque chose à revoir.
Et puis il y a la culpabilité liée à une injonction de la société, qui dit par exemple qu’une maman doit rentrer tôt du travail. Si au fond, on envisage notre manière d’être maman différemment, si ce n’est pas ce qui nous convient, alors cette culpabilité est stérile, et il faut apprendre à la lâcher. Quand on ne parvient pas à le faire seule, c’est important d’être accompagnée.
Mon second conseil, et je n’en démordrai jamais, c’est qu’il faut apprendre à couper vraiment : il y a la journée de travail et quand elle est terminée, qu’on n’est plus au boulot, on ne consulte plus ses e-mails, on ne répond plus au téléphone. Parce que si on continue à penser au travail, si on est en train de lire cet e-mail avec notre bébé dans les bras, finalement, on n’est nulle part. La réalité c’est que le monde ne va pas s’effondrer si on arrête de lire ses messages quand on part du bureau : les gens peuvent attendre le lendemain matin…

On peut tout vouloir dans une vie, mais cela ne veut pas nécessairement dire avoir tout en même temps. Il faut avoir le sens des priorités ! Avec un tout petit bébé, si on arrive à retourner au travail en étant relativement sereine, en n’étant pas totalement épuisée, on est déjà au top !

Enchaîner la journée de travail, la soirée (voire la nuit) avec le (ou les) bébé(s), sans pour autant s’oublier totalement, peut être épuisant, entraîner un sentiment de découragement voire conduire au surmenage… Est-il possible finalement de tout concilier ?

Bien sûr, on peut tout vouloir dans une vie, mais cela ne veut pas nécessairement dire avoir tout en même temps. Il faut avoir le sens des priorités ! Avec un tout petit bébé, si on arrive à retourner au travail en étant relativement sereine, en n’étant pas totalement épuisée, on est déjà au top ! Les réalités sont très différentes d’une maman à l’autre, tout simplement parce que certains bébés dorment bien quand d’autres se réveillent la nuit… Logiquement, une maman qui dort a plus d’énergie qu’une maman qui ne dort pas.

Le baromètre, ça doit être notre bien-être. C’est ce que l’on est capable de donner comme énergie, et à quoi, en fonction de ses priorités. Et on ne peut pas en avoir dix. Trois priorités, c’est à mon sens le maximum. Et puis quand on sent que l’on passe un cap, qu’on a un petit rab d’énergie, on peut se demander à quoi on a envie de la consacrer.

Il faut trouver ce qui nous fait nous sentir bien, le prioriser. Et s’assurer, à chaque fois, de bien recharger les batteries. Pour certaines femmes (comme moi par exemple), ce qui aide, c’est de retourner au travail. Pour d’autres, c’est de faire du sport ou de faire une sieste. Peu importe finalement, l’essentiel, c’est de trouver ce qui va nous aider à enchaîner les journées l’une après l’autre. Lorsque c’est dur, il faut s’écouter, toujours tester son niveau d’énergie et se demander à quoi on va la consacrer aujourd’hui. Tant que c’est difficile, il faut envisager une journée après l’autre. Demain, on verra.

Il faut aussi, je pense, garder en tête que si cette période de reprise du boulot après un congé maternité est très intense, elle ne dure pas. Il faut voir à un peu plus long terme et se dire que dans un an ou deux, on aura presque oublié à quel point ce rythme, ce quotidien étaient difficiles. Il ne faut pas oublier que tout passe et, si on se sent frustrée parce qu’on n’arrive plus à prioriser quelque chose qui nous tenait tant à cœur, il faut se dire : « Ok, ça va durer quelques mois et, petit à petit, je vais m’organiser pour que cela change ». Il faut accepter chaque étape, accepter le changement. C’est particulièrement difficile pour le cerveau, qui est fait pour la répétition. Il va donc résister… Or plus on résiste, plus c’est difficile.

Dans les moments d’épuisement, que faire pour ne pas sombrer moralement ?

Dans les moments difficiles, il faut, je pense, se rappeler la raison qui nous a poussée à avoir un enfant. Et aussi se dire, encore une fois, que dans 6 mois, un an, les choses seront différentes. Ce qui peut aider à traverser ce changement, c’est aussi d’y voir les petites choses qui font, finalement, que c’est un changement positif. Il faut absolument se raccrocher aux petits kifs du quotidien. Le sourire de notre bébé, le moment où l’on se retrouve, sa première purée… Et se rappeler aussi qu’avant d’avoir un enfant, la vie n’était déjà pas parfaite. C’était déjà, sans doute, 50% de positif, 50% de négatif.

De votre point de vue de coach, mais aussi de mère, quelle doit être, selon vous, la priorité d’une jeune maman qui reprend le travail ?

La priorité de toute mère doit être elle-même. On a tendance à penser que la priorité, c’est le bébé, mais ce n’est pas vrai. L’essentiel, c’est soi : pour consacrer de l’énergie à quelque chose ou à quelqu’un, on a besoin d’en avoir !

Jenny Chammas

Coach certifiée

Jenny Chammas est Master Coach certifiée et fondatrice de Coachappy, qui accompagne les femmes dans leur épanouissement professionnel. Elle a également créé le podcast “Femme ambitieuse”. Certains épisodes sont particulièrement intéressants à écouter dans cette étape de votre vie de maman et de votre carrière.
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Ambition et maternité, doit-on choisir ?

Jenny Chammas

Pour la suivre : jennychammas.com
Sur Instagram : @jennychammas_mastercoach